FORMATION PROFESSIONNELLE

Les fondamentaux de l’addictologie

Quelle place au plaisir ?

L’addiction est multifactorielle et se fond dans l’ensemble des dimensions dans lesquelles évolue la personne en difficulté. La prise en charge est pluri professionnelle et nécessite un « chef d’orchestre » qui permettra petit à petit à la personne de se confronter à sa dimension addictive, tout en renforçant son pouvoir d’agir : non pas arrêter en un claquement de doigts, mais bien en se repositionnant, avec l’aide d’autrui, face à ses écarts « addictifs » pour que ceux-ci deviennent le moteur d’un nouveau bien-être. Le soin au « toxicomane » n’a pas pour objectif d’arrêter les consommations, mais de faire en sorte que ce besoin irrémédiable de se remplir de produit pour annihiler les souffrances soit remplacé par l’envie retrouvée de s’enivrer d’un nouveau plaisir quotidien.

 

Le bon équilibre recherché …

Sortir d’une addiction, c’est reconstruire un projet de vie où il va être nécessaire de mettre au travail avec la personne et son entourage, les équipes et les institutions qui l’accompagnent, une nouvelle équation de vie. L’objectif est complexe car, selon le regard que la personne porte sur sa prise en charge, il ne répond que partiellement aux éléments pragmatiques de cet accompagnement pluri professionnel souvent perçu comme un empilement de solutions : un traitement, des rendez-vous multiples avec divers professionnels qualifiés, de nombreuses démarches, complexes et lourdes…  Cette nouvelle équation de vie ne pourra émerger que si l’ensemble des acteurs, entourage et professionnels, se mettent sur le même tempo, dans le même espace-temps, au service des capacités, des besoins et des envies de l’usager.

Entre plaisir et souffrance (?)…

Être dans une addiction n’est qu’un élément de notre passage de vie. Nous sommes tous passionnés, dépendants de quelque chose ou de quelqu’un à un moment plus ou moins long de notre existence. Ce n’est pas le caractère de dépendance qui peut perdre ou anéantir l’autre, mais son incapacité à pouvoir en gérer les conséquences directes ou secondaires. Conséquences qui peuvent meurtrir, voire faire mourir. Souvent ancré dans une difficulté passagère mais douloureuse, parfois l’expression d’une douleur très lointaine, le rapport de « dépendance » ne se résoudra pas si l’on s’attache uniquement à la genèse de cette problématique de l’addiction, mais aussi et surtout si l’on s’accorde à travailler autour de ce que l’individu n’a plus été en capacité de gérer, laissant place, insidieusement, à la dépendance et ses aspects nocifs dans son quotidien, sa vie. Comment prendre conscience qu’une passion puisse être néfaste pour soi ? Quelle est la difficulté à pouvoir maîtriser ces risques d’accès au plaisir tout en devant, objectivement, baisser l’intensité et les conséquences de ceux-ci ?

… ou le plaisir ingérable ?

Ce sont dans ces fragilités relationnelles là que l’usage de produits ou de comportements peut se transformer en une situation de « béquille », voire de sauvetage, à garder les bénéfices d’un tel comportement. Il est parfois difficile de mettre en corrélation le bien-être et le bonheur, ce dernier étant parfois issu de « mauvaises », pratiques sources de plaisir, telles que la prise de risque.

C’est là que « la bonne conduite » peut commencer à nuire à l’individu. Puis glisser, selon ses capacités à gérer ses fragilités passagères, vers une incapacité à maîtriser ce que ce comportement ou cette consommation lui apportait de naturellement positif, dans son équilibre. L’addiction, ou autrement dit le besoin, quelles qu’en soient les conséquences à court, moyen ou long terme, peut à ce moment-là apparaître et devenir une difficulté personnelle, relationnelle, tant dans la sphère intime, privée que professionnelle.

 

Le plaisir destructeur

Les passions, les cercles relationnels ainsi que les substances psychoactives font partie de notre quotidien et de celles et ceux qui nous entourent. Prescriptions de médicaments, consommations raisonnées de produits réglementés tel que l’alcool ou illicites tel que le cannabis, sports quotidiens, pratiques culturelles soutenues (musique, théâtre…), ces relations entre nos comportements, nos consommations et le but de ceux-ci peuvent tous nous mettre en questionnement, dans une dimension relationnelle parfois complexe avec ce produit, ce comportement et nos affects profonds ou passagers. L’être humain est un être en constante recherche de plaisir. Notre fonctionnement nous ordonne naturellement de le trouver mais surtout de le réitérer tant que cela est possible puisqu’il nous apporte un plaisir, un soulagement, une protection dans nos rapports sociaux, un bien-être, même momentané. C’est le propre d’une passion, amoureuse, sportive ou culturelle. Ce plaisir nous met face à nous même, nous confronte aux autres. Le lien social ou amoureux par exemple, étant plus complexe à atteindre que celui de la simple ivresse, nous pouvons compte tenu de nos fragilités, parfois préférer la facilité des artifices d’un psychotrope à la quête d’un plaisir peut être plus durable, moins destructeur, mais plus complexe à atteindre. Dans nos sociétés de consommation et de performance à tout va, la quête du plaisir « instantané » est omniprésente : « speed dating », site de rencontres, achats en ligne viennent répondre rapidement à nos besoins « sociaux », les médicaments psychotropes viennent nous procurer un cataplasme simple et rapide à nos douleurs, tout comme les produits psychoactifs nous permettent ainsi d’accéder au lâcher-prise rapidement et sans effets secondaire ingérable, mais seulement, dans un premier temps.

Le sport, la culture, les relations sociales et professionnelles sont des éléments d’intégration essentiels à notre bien-être. Néanmoins, sous couvert de se sentir bien, d’être entouré, ces comportements peuvent prendre une place insidieuse, consciemment ou non, dans ce « bon équilibre », à vouloir rester celui qui « est bon » ou aller vers un « encore » mieux-être. Médicaments psychotropes, substances psychoactives, passions diverses peuvent donc se transformer en un besoin inéluctable, nécessaire et obligatoire pour avancer, pour se maintenir dans ce que nous sommes ou pensons être de bon aux yeux des autres. Mais où se situent les limites entre passion et dépendance, entre « bien-fait » et « bien-être », entre la raison et le raisonnable, entre la nécessaire liberté et la servitude ?

 Accompagner vers un nouveau projet de vie …

Pendant toutes ces années, en qualité de travailleur social puis de directeur, il m’est apparu qu’accompagner une personne souffrant d’addiction ne relève que peu de notre capacité mutuelle à l’aider à réfléchir à ses niveaux de consommation, de substances ou d’écrans…

En effet, tout professionnel de l’addiction ou de tout autre secteur d’activité, ne perçoit dans un premier temps que la difficulté de l’addiction dans la vie de l’usager et de ses répercussions sur son entourage et son environnement. Les réponses apportées peuvent donc en être pragmatiques, telle que l’entrée dans le soin. Elles peuvent aussi relever de la protection de ce dernier mais surtout de son entourage professionnel par exemple, à vouloir l’éloigner de son travail et de ses collègues sous couvert de règlementation, de sécurité, d’une simple difficulté à comprendre la détresse de l’autre. « Être malade » n’est pas forcément une contre-indication à vivre, à travailler. L’alcoolisation aiguë est un risque professionnel réel et important, la consommation d’alcool permet pourtant à la personne «alcoolo-dépendante », dans le respect et la prise en compte de sa « zone de confort », de maintenir et de gérer ses capacités professionnelles !

Accompagner l’autre prend du temps. Redonner vie à l’être dépendant demande de revoir ses propres jugements, ses propres convictions, ses propres préjugés. L’objectif principal de toute ma carrière n’a pas été de soigner des gens d’une relation de dépendance mais bien de mettre en relation l’ensemble des acteurs afin que l’usager soit au centre de son projet de vie, de soin, de bien-être. L’objectif n’est pas de répondre aux attentes des professionnels, des institutions, de la loi, mais d’adapter nos compétences de professionnels aux besoins de l’usager et à ses possibles afin qu’il retrouve le « plaisir de vivre ».

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